Programme Interdisciplinaire d'Etudes Catholiques

Samedi 17 septembre 2005 La Liberté p. 10 Par Patrice Favre

Les cathos sont ruinés, mais modernes

Fribourg Noté en marge du colloque sur les papes et l'Eglise depuis le concile.

Plus facile d'être catholique à Cologne, dans le million d'enthousiastes venus fêter Benoît XVI, qu'à Fribourg, au colloque de jeudi et vendredi sur «Feu la chrétienté?» Déjà que le point d'interrogation était purement rhétorique, le professeur Francis Python l'a reconnu d'entrée: la chrétienté est en feu depuis longtemps, et il n'en reste que cendres.

En Suisse, seuls 11% des catholiques sont encore des «cathos-cathos», d'après le sociologue Alfred Dubach. Les autres sont des cathos-protestants, ou des «néoreligieux» ouverts à toute nouveauté proposée par le supermarché des religions. Sans parler des jeunes, qui communient au natel, se confessent sur internet et ne savent plus à quel saint se vouer.

Et l'Eglise, dans tout ça? Elle s'adapte. Brillante, à ce colloque, fut la démonstration de Claude Prudhomme, prof à Lyon et spécialiste des missions. Ou plutôt de la crise des missions: l'utopie des années 50 - «bientôt, le monde entier sera baptisé» - a fait place à la «dé-mission» des années 70, quand les missionnaires se font coopérants au développement ou militants syndicalistes.

Puis vint Jean-Paul II et sa «nouvelle évangélisation». Quelque chose de réellement nouveau, d'après Prudhomme. Jean-Paul II a senti son temps. Il est le premier pape à dire «Je», à raconter son expérience. Il dit que l'Evangile doit être vécu avant d'être proposé. «En ce sens, la modernité, avec sa primauté de l'expérience, est entrée dans l'Eglise.»

Les derniers catholiques sont modernes, c'est réconfortant. Et les papes ne parlent plus de mission mais de «dialogue», ils promettent noir sur blanc de renoncer à tout «prosélytisme», à toute violence ou pression sur les consciences. Excellent! Le catholicisme n'est pas seulement moderne, il en devient présentable. Qu'on se le dise.

Mais la «vérité»? Lancé au colloque de Fribourg, le mot suscite tout de suite un frémissement. Le nouveau pape, qui a dénoncé le relativisme, ne veut-il pas un «retour à la mission», une «réaffirmation de la vérité catholique»? «Le courant conservateur l'a élu pour cela», dit un historien venu de Rome. D'ailleurs, Jean- Paul II lui-même répétait que le Christ n'est pas un chemin parmi d'autres, mais «le» chemin du salut pour tous les hommes.

La vérité dérange toujours, y compris parmi les historiens. «On se dit, mieux vaut avoir des croyances faibles, elles seront moins violentes que les croyances fortes», constate Jean-Claude Guillebaud, auteur de «La force de conviction» (Seuil). Qui ajoute: «C'est le contraire qui est vrai: une croyance est paisible lorsqu'elle est sûre d'elle-même.»

Il a raison, même si tous les croyants n'en font pas la démonstration, hélas. Cela dit, pour être «sûr» et donc paisible, il faut avoir rencontré quelque chose de suffisamment solide pour être «vrai». Que cela puisse exister est bien l'hypothèse de travail la plus intrigante. Pour un prochain colloque?

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